Le président de la République a annoncé le 22 mars que le projet de loi sur l’immigration allait finalement être ajourné et découpé en plusieurs textes. Pour autant, le sujet reste pleinement d’actualité et hautement inflammable. En partenariat avec La Fondation Jean Jaurès, BVA fait le point sur le sujet. L’étude vise à questionner le rapport des Français à l’immigration et son évolution au cours des dernières années, pour mieux comprendre le contexte dans lequel vont s’ouvrir les débats.

L’immigration, l’éléphant au milieu de la pièce

Un sujet qui suscite des réactions spontanées très négatives, entre fantasmes et peurs autour de 4 grands registres :

  • L’idée selon laquelle il y a tout simplement « trop d’immigrés » en France.
  • L’idée, plus nuancée, selon laquelle la France n’a pas les moyens d’accueillir des immigrés.
  • Le sentiment que l’immigration est la source de nombreux maux (violence, insécurité…).
  • Le sentiment que les immigrés jouissent de (trop) nombreux droits, laissant entrevoir un sentiment de « grand déclassement », plus que de « grand remplacement » avec des verbatim évoquant surtout les notions d’assistanat, d’injustice et d’abandon par l’Etat de certains citoyens.

L’immigration constitue-t-elle toujours un marqueur fort du clivage entre la gauche et la droite ?

Bien que l’accueil des migrants soit un sujet ambivalent chez les Français, ce dernier reste un élément clé de différenciation entre la gauche et la droite. Les sympathisants de gauche sont plus nombreux à reconnaître les difficultés, discriminations et injustices qui peuvent être subies par les personnes migrantes ou immigrés :

  • 81 % des sympathisants de la gauche ont le sentiment qu’il existe des différences de traitement envers les réfugiés en France selon leur pays d’origine ou leur religion, ce n’est le cas que de 47 % des sympathisants de Reconquête ! et de 57 % des sympathisants du Rassemblement national.
  • 83 % des sympathisants de la gauche estiment que les immigrés sont victimes de discriminations en France, contre 54 % des sympathisants Les Républicains et surtout 29 % des sympathisants du Rassemblement national et 23 % des sympathisants de Reconquête !

Néanmoins le durcissement des positions sur l’immigration est commun à l’ensemble des sensibilités politiques, y compris à gauche :

  • Alors qu’en 2018, 52 % des Français estimaient que les demandeurs d’asile ou migrants vivaient dans des conditions inacceptables, désormais, une majorité de Français pensent au contraire que leurs conditions de vie sont acceptables (57 % ; +14 points en 5 ans).
  • 69 % adhèrent à l’idée selon laquelle « il y a trop d’immigrés en France aujourd’hui » (63% en 2018). Si ce sentiment est toujours beaucoup plus marqué à droite, il est loin d’être totalement absent chez les sympathisants de la gauche (48% ; +21 points depuis 2018).
  • 39 % seulement des Français se déclarent d’accord avec l’idée selon laquelle, « de manière générale, les immigrés sont bien intégrés en France ». Le sentiment d’une mauvaise intégration des immigrés est plus prégnant à droite mais existe aussi à gauche.

Malgré tout, les sympathisants de la gauche se distinguent encore de ceux de droite sur d’autres dimensions :

  • 84 % des sympathisants de gauche jugent que la France doit accueillir les réfugiés qui lui demandent l’asile parce qu’ils sont persécutés dans leur pays.
  • 73 % pensent que chacun d’entre nous est responsable de l’accueil et de l’amélioration des conditions de vie des réfugiés.
  • 69 % déclarent que l’immigration est une chance pour la France.

Un projet de loi plus rassembleur qu’il n’y paraît ?

Des points de convergence forts : plusieurs dispositions pouvant éventuellement être mises en place rencontrent un accueil (très) favorable :

  • L’approbation la plus élevée concerne la mesure sur le durcissement des amendes à l’encontre des « marchands de sommeil » (93 % des Français y sont favorables), devant l’augmentation des amendes à l’encontre des passeurs (89 %). Des mesures qui rencontrent le soutien des sympathisants de la gauche comme de la droite.
  • Les mesures relatives à l’intégration et aux titres de séjour reçoivent elles aussi un accueil très majoritairement favorable : 83 % des Français sont favorables au fait de conditionner l’obtention et le maintien d’un titre de séjour au respect des valeurs de la République.
  • 81 % sont favorables à la mise en place d’un examen de français pour obtenir un titre de séjour.

Des mesures qui dessinent des lignes de clivage un peu plus fortes, tout en suscitant une adhésion majoritaire

  • Initialement prévue dans le projet de loi, la facilitation de la délivrance et de l’exécution des OQTF en cas de menace grave pour l’ordre public, est approuvée par 80% des Français mais « seulement » 54% des sympathisants LFI.
  • Face à la pénurie de main-d’œuvre rencontrée par certains secteurs économiques, le projet de loi envisageait de créer un titre de séjour spécial pour les métiers en tension. Près des trois quarts des Français sont favorables à cette disposition (74 %, 79% chez les sympathisants de gauche mais seulement 46 % chez les sympathisants de Reconquête !).
  • Près des trois quarts des Français (73 %) sont favorables à ce que l’on sanctionne d’une amende de 4 000 euros l’emploi d’une personne en situation irrégulière.

Une seule mesure de nature à différencier véritablement droite et gauche

  • Le projet de loi prévoyait l’interdiction du placement en centre de rétention administrative (CRA) des mineurs étrangers de moins de 16 ans. C’est la seule mesure qui ne rencontre pas l’approbation d’une majorité de Français (44 %).
  • Seuls les sympathisants de la gauche y sont favorables, d’une courte majorité cela étant (57 %), alors que les sympathisants Les Républicains (36 % seulement l’approuvent) comme du Rassemblement national (27 %) et de Reconquête ! (20 %) y sont majoritairement opposés.

 

Retrouvez la note de l’étude ici.

 

Adelaïde Zulfikarpasic
Directrice Générale de BVA France